Face à l’inexécution d’un accord de branche par un employeur, quelle action en justice est ouverte au syndicat et pour quelles demandes ?

En 2018, un accord de branche relatif à l’égalité professionnelle a été conclu entre la CFDT et l’UNML, organisation patronale de la branche des Maisons Locales. Ayant constaté le refus d’une Mission Locale d’appliquer l’accord, la CFDT a été contrainte de saisir le Tribunal Judiciaire.

L’accord de branche, dont la date d’entrée en vigueur était fixé au 1er janvier 2019, prévoyait en son article 6.3 que « […] L’indice d’ancienneté conventionnelle doit être la même pour les salarié.e.s à temps plein comme à temps partiel, l’ancienneté conventionnelle n’est pas proratisable ». L’indice d’ancienneté conventionnelle fait partie de l’assiette du salaire de base des salariés à temps partiel dont le montant était calculée comme suit :

Rémunération minimale = valeur du point x (indice professionnel + indice d’ancienneté + éventuelle indemnité de responsabilité)

La Mission de Locale du Pays de Redon et de Vilaine était adhérente de l’UNML avant de mettre  fin à son adhésion en mars 2019, postérieurement à la signature de l’accord de branche relatif à l’égalité professionnelle.

L’employeur a continué de proratiser l’ensemble de la rémunération des salariés à temps partiel de la Mission locale en  affirmant :

  • Qu’elle n’était plus adhérente de l’UNML depuis mars 2019;
  • Que la proratisation de la rémunération des salariés à temps partiel n’entraînait pas proratisation de l’indice d’ancienneté, bien que l’indice d’ancienneté fasse partie de l’assiette de calcul de la rémunération des salariés ;
  • Qu’en tout état de cause, en application du principe, “à travail égal, salaire égal”, et du principe de proportionnalité de la rémunération des salariés à temps partiel fixé à l’article L.3123-5 du Code du travail, la rémunération des salariés devait nécessairement être proratisée.

Le SYNAMI CFDT a saisi le Tribunal judiciaire de RENNES afin :

  • De voir dire et juger que la Mission Locale du Pays de REDON et de VILAINE est soumise aux dispositions de l’accord collectif de branche sur l’égalité femmes-hommes du 20 juin 2018 ;
  • De voir dire et juger que la Mission Locale du Pays de REDON et de VILAINE a violé les dispositions de l’accord collectif de branche sur l’égalité femmes – hommes du 20 juin 2018
  • Qu’il soit ordonné à la Mission Locale du Pays de REDON et de VILAINE d’exécuter l’accord de branche sur l’égalité femmes-hommes du 20 juin 2018
  • Que la Mission Locale du Pays de REDON et de VILAINE soit condamnée à verser un rappel de salaire aux salariés à temps partiel à compter du 1er janvier 2019
  • Que la Mission Locale du Pays de REDON et de VILAINE soit condamnée à verser au SYNAMI CFDT des dommages-intérêts en réparation (1) du préjudice causé à l’intérêt collectif de la profession représentée par l’organisation syndicale et (2) du préjudice direct et personnel causé à l’organisation syndicale signataire d’un accord collectif non respecté.

L’objectif poursuivi par le SYNAMI CFDT était à la fois d’obtenir l’exécution forcée de l’accord au profit des salariés, en contraignant l’employeur à verser sous astreinte un rappel de salaire aux salariés en cause, et d’obtenir réparation du préjudice causé à l’intérêt collectif de la profession et à l’intérêt propre du SYNAMI CFDT  résultant du non-respect de l’accord de branche.

Dans cette décision, le Tribunal Judiciaire a considéré que le fait pour l’employeur de proratiser la rémunération des salariés  à temps partiel revenait à proratiser dans le même temps leur indice d’ancienneté conventionnelle, ce qui caractérisait une violation des dispositions de l’accord de branche qui prévoyait un dispositif dérogatoire et plus favorables aux dispositions légales du Code du travail relatives à la proratisation de la rémunération des salariés à temps partiel. Or, rien n’interdit de déroger par accord collectif aux dispositions légales dans un sens plus favorable aux salariés.

Le Tribunal reconnaît également que le non-respect d’un accord de branche par l’employeur au détriment des salariés à temps partiel causait un préjudice à l’intérêt collectif de la profession. Par conséquent, le SYNAMI CFDT était recevable à solliciter l’exécution de l’accord collectif au profit des salariés, y compris sous astreinte. En raison de la mission de service public de l’employeur, le Tribunal n’a toutefois pas assorti sa condamnation d’une astreinte. Le fait que l’employeur se soit désaffilié de l’organisation patronale signataire de l’accord de branche postérieurement à sa signature ne l’exonérait pas de son obligation d’appliquer l’accord collectif en cause.

En revanche, et de manière contestable, le Tribunal a considéré que la demande du SYNAMI CFDT tendant à la condamnation sous astreinte de l’employeur à procéder à un rappel de salaire auprès des salariés à temps partiel à compter du 1er janvier 2019 ne relevait pas de l’intérêt collectif de la profession.

La jurisprudence considère que si une organisation syndicale n’est pas recevable à solliciter le versement de sommes déterminées au profit de salariés nommément désignés, elle est en revanche fondée à obtenir la condamnation de l’employeur au versement de sommes non déterminées au profit de salariés non nommément désignés dès lors que ces sommes résultaient de l’application d’un accord collectif non respecté (Cass.soc., 19 novembre 2014, n°13-23.899).

La décision du Tribunal Judiciaire de Rennes est donc critiquable puisqu’elle conduit à reconnaître que l’employeur devait être condamné à exécuter l’accord de branche sans toutefois en tirer les conséquences qui s’y attachent. Le fait pour l’employeur d’être condamné à exécuter l’accord de branche aurait dû, en toute logique, conduire à ce qu’il soit également condamné à verser aux salariés à temps partiel la rémunération dont ils ont été privés depuis le 1er janvier 2019, ce d’autant plus que la demande présentée par le SYNAMI CFDT ne visait pas à obtenir le paiement de sommes déterminées au profit de salariés nommément désignés.

Si le principe d’une violation de l’accord de branche par l’employeur au détriment du SYNAMI CFDT et des salariés a été reconnu par le Tribunal Judiciaire, les salariés en cause seront malgré tout contraints de saisir le Conseil de Prud’hommes afin d’obtenir un rappel de rémunération variable si l’employeur ne s’exécute pas de lui-même, au risque d’être prescrits pour une partie de leurs demandes.

Il importe enfin de relever que le Tribunal a reconnu que le non-respect par l’employeur d’un accord de branche, outre le fait qu’il causait un préjudice à l’intérêt collectif de la profession, causait également un préjudice direct à l’intérêt personnel de l’organisation syndicale signataire dudit accord.  

Bien que le Tribunal n’ait pas distingué les sommes allouées au SYNAMI CFDT au titre des dommages-intérêts en réparation du préjudice causé (1) à l’intérêt collectif de la profession et (2) à l’intérêt direct et personnel de l’organisation syndicale signataire d’un accord collectif non respecté, cette décision laisse à penser que les préjudices de l’organisation syndicale étant distincts, elle est fondée à obtenir une réparation distinctes sur ces deux fondements.

En 2018, un accord de branche relatif à l’égalité professionnelle a été conclu entre la CFDT et l’UNML, organisation patronale de la branche des Maisons Locales. Ayant constaté le refus d’une Mission Locale d’appliquer l’accord, la CFDT a été contrainte de saisir le Tribunal Judiciaire.

L’accord de branche, dont la date d’entrée en vigueur était fixé au 1er janvier 2019, prévoyait en son article 6.3 que « […] L’indice d’ancienneté conventionnelle doit être la même pour les salarié.e.s à temps plein comme à temps partiel, l’ancienneté conventionnelle n’est pas proratisable ». L’indice d’ancienneté conventionnelle fait partie de l’assiette du salaire de base des salariés à temps partiel dont le montant était calculée comme suit :

Rémunération minimale = valeur du point x (indice professionnel + indice d’ancienneté + éventuelle indemnité de responsabilité)

La Mission de Locale du Pays de Redon et de Vilaine était adhérente de l’UNML avant de mettre  fin à son adhésion en mars 2019, postérieurement à la signature de l’accord de branche relatif à l’égalité professionnelle.

L’employeur a continué de proratiser l’ensemble de la rémunération des salariés à temps partiel de la Mission locale en  affirmant :

  • Qu’elle n’était plus adhérente de l’UNML depuis mars 2019;
  • Que la proratisation de la rémunération des salariés à temps partiel n’entraînait pas proratisation de l’indice d’ancienneté, bien que l’indice d’ancienneté fasse partie de l’assiette de calcul de la rémunération des salariés ;
  • Qu’en tout état de cause, en application du principe, “à travail égal, salaire égal”, et du principe de proportionnalité de la rémunération des salariés à temps partiel fixé à l’article L.3123-5 du Code du travail, la rémunération des salariés devait nécessairement être proratisée.

Le SYNAMI CFDT a saisi le Tribunal judiciaire de RENNES afin :

  • De voir dire et juger que la Mission Locale du Pays de REDON et de VILAINE est soumise aux dispositions de l’accord collectif de branche sur l’égalité femmes-hommes du 20 juin 2018 ;
  • De voir dire et juger que la Mission Locale du Pays de REDON et de VILAINE a violé les dispositions de l’accord collectif de branche sur l’égalité femmes – hommes du 20 juin 2018
  • Qu’il soit ordonné à la Mission Locale du Pays de REDON et de VILAINE d’exécuter l’accord de branche sur l’égalité femmes-hommes du 20 juin 2018
  • Que la Mission Locale du Pays de REDON et de VILAINE soit condamnée à verser un rappel de salaire aux salariés à temps partiel à compter du 1er janvier 2019
  • Que la Mission Locale du Pays de REDON et de VILAINE soit condamnée à verser au SYNAMI CFDT des dommages-intérêts en réparation (1) du préjudice causé à l’intérêt collectif de la profession représentée par l’organisation syndicale et (2) du préjudice direct et personnel causé à l’organisation syndicale signataire d’un accord collectif non respecté.

L’objectif poursuivi par le SYNAMI CFDT était à la fois d’obtenir l’exécution forcée de l’accord au profit des salariés, en contraignant l’employeur à verser sous astreinte un rappel de salaire aux salariés en cause, et d’obtenir réparation du préjudice causé à l’intérêt collectif de la profession et à l’intérêt propre du SYNAMI CFDT  résultant du non-respect de l’accord de branche.

Dans cette décision, le Tribunal Judiciaire a considéré que le fait pour l’employeur de proratiser la rémunération des salariés  à temps partiel revenait à proratiser dans le même temps leur indice d’ancienneté conventionnelle, ce qui caractérisait une violation des dispositions de l’accord de branche qui prévoyait un dispositif dérogatoire et plus favorables aux dispositions légales du Code du travail relatives à la proratisation de la rémunération des salariés à temps partiel. Or, rien n’interdit de déroger par accord collectif aux dispositions légales dans un sens plus favorable aux salariés.

Le Tribunal reconnaît également que le non-respect d’un accord de branche par l’employeur au détriment des salariés à temps partiel causait un préjudice à l’intérêt collectif de la profession. Par conséquent, le SYNAMI CFDT était recevable à solliciter l’exécution de l’accord collectif au profit des salariés, y compris sous astreinte. En raison de la mission de service public de l’employeur, le Tribunal n’a toutefois pas assorti sa condamnation d’une astreinte. Le fait que l’employeur se soit désaffilié de l’organisation patronale signataire de l’accord de branche postérieurement à sa signature ne l’exonérait pas de son obligation d’appliquer l’accord collectif en cause.

En revanche, et de manière contestable, le Tribunal a considéré que la demande du SYNAMI CFDT tendant à la condamnation sous astreinte de l’employeur à procéder à un rappel de salaire auprès des salariés à temps partiel à compter du 1er janvier 2019 ne relevait pas de l’intérêt collectif de la profession.

La jurisprudence considère que si une organisation syndicale n’est pas recevable à solliciter le versement de sommes déterminées au profit de salariés nommément désignés, elle est en revanche fondée à obtenir la condamnation de l’employeur au versement de sommes non déterminées au profit de salariés non nommément désignés dès lors que ces sommes résultaient de l’application d’un accord collectif non respecté (Cass.soc., 19 novembre 2014, n°13-23.899).

La décision du Tribunal Judiciaire de Rennes est donc critiquable puisqu’elle conduit à reconnaître que l’employeur devait être condamné à exécuter l’accord de branche sans toutefois en tirer les conséquences qui s’y attachent. Le fait pour l’employeur d’être condamné à exécuter l’accord de branche aurait dû, en toute logique, conduire à ce qu’il soit également condamné à verser aux salariés à temps partiel la rémunération dont ils ont été privés depuis le 1er janvier 2019, ce d’autant plus que la demande présentée par le SYNAMI CFDT ne visait pas à obtenir le paiement de sommes déterminées au profit de salariés nommément désignés.

Si le principe d’une violation de l’accord de branche par l’employeur au détriment du SYNAMI CFDT et des salariés a été reconnu par le Tribunal Judiciaire, les salariés en cause seront malgré tout contraints de saisir le Conseil de Prud’hommes afin d’obtenir un rappel de rémunération variable si l’employeur ne s’exécute pas de lui-même, au risque d’être prescrits pour une partie de leurs demandes.

Il importe enfin de relever que le Tribunal a reconnu que le non-respect par l’employeur d’un accord de branche, outre le fait qu’il causait un préjudice à l’intérêt collectif de la profession, causait également un préjudice direct à l’intérêt personnel de l’organisation syndicale signataire dudit accord.  

Bien que le Tribunal n’ait pas distingué les sommes allouées au SYNAMI CFDT au titre des dommages-intérêts en réparation du préjudice causé (1) à l’intérêt collectif de la profession et (2) à l’intérêt direct et personnel de l’organisation syndicale signataire d’un accord collectif non respecté, cette décision laisse à penser que les préjudices de l’organisation syndicale étant distincts, elle est fondée à obtenir une réparation distinctes sur ces deux fondements.

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