La CFDT obtient l’annulation d’un accord de performance collective conclu dans des conditions abusives

Saisie par deux syndicats CFDT de la métallurgie, la Cour d’appel de Nancy annule, pour une première fois un accord de performance collective conclu dans une entreprise dépourvue de délégués syndicats.

L’union fait la force ! Les Syndicats CFDT de la Métallurgie du Bas-Rhin et CFDT de la Métallurgie 54-55-88, ainsi que deux salariés licenciés, ont obtenu l’annulation, pour la première fois, d’un accord de performance collective qui avait été conclu dans une entreprise de moins de 50 salariés avec les élus (sans étiquette) au CSE.

Il convient de rappeler que les nouveaux « accords de performance collective » ont été généralisés par les Ordonnances Macron du 22 septembre 2017 par d’un article L.2254-2 du Code du travail.

Ces accords ont la particularité de pouvoir porter des atteintes conséquentes aux dispositions contractuelles du salarié, même substantielles, et s’imposent aux stipulations pourtant négociées entre le salarié et l’employeur :

« Les stipulations de l’accord se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail, y compris en matière de rémunération, de durée du travail et de mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise ».

Le Code du travail prévoit un « droit » du salarié au refus. Il ne sera pas licencié pour faute pour avoir refusé cette modification de son contrat. Le contrat sera tout de même rompu, pour « un motif spécifique qui constitue une cause réelle et sérieuse ».

Il s’agit donc d’un motif non économique, sui generis.

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour d’appel de NANCY, plusieurs questions juridiques inédites étaient posées au juge.

La première consistait à savoir si un APC pouvait être conclu dans les entreprises de moins de 50 salariés avec les élus du CSE.

Oui, répond la Cour d’appel, mais à certaines conditions.

La juridiction d’appel considère que la décision du 21 mars 2018 n°2018-761 du Conseil constitutionnel, qui semblait émettre une réserve d’interprétation en limitant la signature d’un APC aux seules entreprises munies d’un Délégué syndical, n’est pas si claire et qu’en l’état, la signature d’un APC dans un cadre dérogatoire ne serait pas légalement proscrite. Ce faisant, la Cour d’appel de Nancy fait un appel à peine voilé à ce qu’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) soit portée sur ce point.

La Cour d’appel souligne ensuite, qu’au regard des conséquences irréversibles (licenciement ou perte de droits contractuels) induites par les APC, les conditions de cette négociation dérogatoire sans DS, doivent être scrupuleusement respectées.

L’accord conclu avec des élus au CSE doit ainsi remplir les conditions posées par l’article L.2232-29 du Code du travail, à savoir :

« La négociation entre l’employeur et les membres de la délégation du personnel du comité social et économique, mandatés ou non, ou les salariés de l’entreprise mandatés se déroule dans le respect des règles suivantes :

1° Indépendance des négociateurs vis-à-vis de l’employeur ;

2° Elaboration conjointe du projet d’accord par les négociateurs ;

3° Concertation avec les salariés ;

4° Faculté de prendre l’attache des organisations syndicales représentatives de la branche.

Par ailleurs, les informations à remettre aux membres de la délégation du personnel du comité social et économique, mandatés ou non, ou aux salariés mandatés préalablement à la négociation sont déterminées par accord entre ceux-ci et l’employeur. »

En l’espèce, la Cour d’appel fait droit aux demandes des syndicats CFDT, en relevant que cet article n’a pas été respecté puisque les quatre salariés de l’établissement alsacien qui était fermé, n’ont jamais été informés de l’ouverture d’une discussion sur un projet de mobilité géographique dans la Meuse, jusqu’à réception d’un courrier officiel leur donnant un mois pour se prononcer sur leur mobilité.

Or, ces salariés étaient les seuls impactés par l’accord de performance collective ; les négociateurs auraient nécessairement dû les consulter au titre de l’article L.2232-29 3e du Code du travail.

La seule information qui avait été donnée aux salariés de la société concernait la signature de l’accord et sa mise en œuvre entrainant mobilité géographique et licenciement en cas de refus. Il ne s’agissait donc plus d’un projet sur lequel les salariés auraient pu donner un avis, mais de la mise en œuvre d’une décision définitive.

La Cour d’appel constate qu’en l’espèce, l’absence de concertation avait eu des répercussions concrètes et négatives avérées. En effet l’un des salariés, après s’être vu notifier l’APC, avait adressé à son employeur deux contre-propositions, lesquelles, à défaut de concertation préalable, n’ont donc pas été soumises à l’appréciation des parties à l’accord, les privant de la possibilité de le faire amender dans le sens souhaité par le salarié, et a ainsi abouti à son licenciement sans que ses suggestions ne soient examinées.

La Cour d’appel en conclut que « l’absence de la phase indispensable de concertation avec les salariés entache la régularité des conditions dans laquelle l’accord de performance collective a été conclu ». La nullité de l’APC est donc prononcée.

Deuxième question posée à la Cour : l’APC peut-il conduire à la fermeture d’un site, ou à des suppressions de postes ?

La Cour d’appel n’a pas suivi la position des demandeurs, qui estimaient qu’un APC ne peut conduire à la fermeture d’un site, cet objet étant dévolu aux PSE (comme l’a rappelé récemment le Conseil d’état dans le cas d’un accord de rupture conventionnelle collective organisant la fermeture d’un site, CE 21 mars 2023, n°459626).

Pour autant, les juges d’appel veille à ce que l’APC ne constitue pas une fraude au licenciement économique : l’employeur ne doit pas profiter de l’APC pour supprimer des postes : « un accord de performance collective ne peut avoir pour objet ou pour effet de supprimer des postes, s’agissant uniquement d’aménager les conditions de travail, concernant la durée et l’organisation du travail, la rémunération et la mobilité professionnelle et géographique des salariés ».

Les syndicats CFDT sont parvenus à prouver que l’objet premier et déterminant de la société était d’opérer des suppressions de poste dans le cadre de la fermeture du site alsacien, et ce, pour des motifs économiques.

Une suppression de poste dans un cadre économique ne peut avoir lieu que dans le cadre d’un licenciement pour motif économique tel que défini par l’article L.1233-3 du Code du travail.

Sur cette base, après avoir constaté que tous les postes des salariés alsaciens licenciés dans le cadre de l’APC n’avaient pas été remplacés, la Cour d’appel de NANCY a jugé qu’il « apparaît que l’employeur n’a pas procédé au remplacement de l’intégralité des salariés licenciés, ce qui entache la régularité de l’accord de performance collective. »

La Cour d’appel estime donc que l’APC contesté par les syndicats CFDT de la métallurgie était illicite, et l’annule.

A ce jour, cette décision n’est pas encore définitive, la société ayant jusqu’à mi mai pour se pourvoir en cassation.

Même si la solution retenue par les juges n’est pas idéale (la question de la négociation dérogatoire avec les élus du CSE pose une vraie question qu’une future QPC pourrait résoudre), elle marque la première annulation d’un APC conclu dans des conditions abusives. Cela reste une solution à saluer, et à parfaire !

Saisie par deux syndicats CFDT de la métallurgie, la Cour d’appel de Nancy annule, pour une première fois un accord de performance collective conclu dans une entreprise dépourvue de délégués syndicats.

L’union fait la force ! Les Syndicats CFDT de la Métallurgie du Bas-Rhin et CFDT de la Métallurgie 54-55-88, ainsi que deux salariés licenciés, ont obtenu l’annulation, pour la première fois, d’un accord de performance collective qui avait été conclu dans une entreprise de moins de 50 salariés avec les élus (sans étiquette) au CSE.

Il convient de rappeler que les nouveaux « accords de performance collective » ont été généralisés par les Ordonnances Macron du 22 septembre 2017 par d’un article L.2254-2 du Code du travail.

Ces accords ont la particularité de pouvoir porter des atteintes conséquentes aux dispositions contractuelles du salarié, même substantielles, et s’imposent aux stipulations pourtant négociées entre le salarié et l’employeur :

« Les stipulations de l’accord se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail, y compris en matière de rémunération, de durée du travail et de mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise ».

Le Code du travail prévoit un « droit » du salarié au refus. Il ne sera pas licencié pour faute pour avoir refusé cette modification de son contrat. Le contrat sera tout de même rompu, pour « un motif spécifique qui constitue une cause réelle et sérieuse ».

Il s’agit donc d’un motif non économique, sui generis.

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour d’appel de NANCY, plusieurs questions juridiques inédites étaient posées au juge.

La première consistait à savoir si un APC pouvait être conclu dans les entreprises de moins de 50 salariés avec les élus du CSE.

Oui, répond la Cour d’appel, mais à certaines conditions.

La juridiction d’appel considère que la décision du 21 mars 2018 n°2018-761 du Conseil constitutionnel, qui semblait émettre une réserve d’interprétation en limitant la signature d’un APC aux seules entreprises munies d’un Délégué syndical, n’est pas si claire et qu’en l’état, la signature d’un APC dans un cadre dérogatoire ne serait pas légalement proscrite. Ce faisant, la Cour d’appel de Nancy fait un appel à peine voilé à ce qu’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) soit portée sur ce point.

La Cour d’appel souligne ensuite, qu’au regard des conséquences irréversibles (licenciement ou perte de droits contractuels) induites par les APC, les conditions de cette négociation dérogatoire sans DS, doivent être scrupuleusement respectées.

L’accord conclu avec des élus au CSE doit ainsi remplir les conditions posées par l’article L.2232-29 du Code du travail, à savoir :

« La négociation entre l’employeur et les membres de la délégation du personnel du comité social et économique, mandatés ou non, ou les salariés de l’entreprise mandatés se déroule dans le respect des règles suivantes :

1° Indépendance des négociateurs vis-à-vis de l’employeur ;

2° Elaboration conjointe du projet d’accord par les négociateurs ;

3° Concertation avec les salariés ;

4° Faculté de prendre l’attache des organisations syndicales représentatives de la branche.

Par ailleurs, les informations à remettre aux membres de la délégation du personnel du comité social et économique, mandatés ou non, ou aux salariés mandatés préalablement à la négociation sont déterminées par accord entre ceux-ci et l’employeur. »

En l’espèce, la Cour d’appel fait droit aux demandes des syndicats CFDT, en relevant que cet article n’a pas été respecté puisque les quatre salariés de l’établissement alsacien qui était fermé, n’ont jamais été informés de l’ouverture d’une discussion sur un projet de mobilité géographique dans la Meuse, jusqu’à réception d’un courrier officiel leur donnant un mois pour se prononcer sur leur mobilité.

Or, ces salariés étaient les seuls impactés par l’accord de performance collective ; les négociateurs auraient nécessairement dû les consulter au titre de l’article L.2232-29 3e du Code du travail.

La seule information qui avait été donnée aux salariés de la société concernait la signature de l’accord et sa mise en œuvre entrainant mobilité géographique et licenciement en cas de refus. Il ne s’agissait donc plus d’un projet sur lequel les salariés auraient pu donner un avis, mais de la mise en œuvre d’une décision définitive.

La Cour d’appel constate qu’en l’espèce, l’absence de concertation avait eu des répercussions concrètes et négatives avérées. En effet l’un des salariés, après s’être vu notifier l’APC, avait adressé à son employeur deux contre-propositions, lesquelles, à défaut de concertation préalable, n’ont donc pas été soumises à l’appréciation des parties à l’accord, les privant de la possibilité de le faire amender dans le sens souhaité par le salarié, et a ainsi abouti à son licenciement sans que ses suggestions ne soient examinées.

La Cour d’appel en conclut que « l’absence de la phase indispensable de concertation avec les salariés entache la régularité des conditions dans laquelle l’accord de performance collective a été conclu ». La nullité de l’APC est donc prononcée.

Deuxième question posée à la Cour : l’APC peut-il conduire à la fermeture d’un site, ou à des suppressions de postes ?

La Cour d’appel n’a pas suivi la position des demandeurs, qui estimaient qu’un APC ne peut conduire à la fermeture d’un site, cet objet étant dévolu aux PSE (comme l’a rappelé récemment le Conseil d’état dans le cas d’un accord de rupture conventionnelle collective organisant la fermeture d’un site, CE 21 mars 2023, n°459626).

Pour autant, les juges d’appel veille à ce que l’APC ne constitue pas une fraude au licenciement économique : l’employeur ne doit pas profiter de l’APC pour supprimer des postes : « un accord de performance collective ne peut avoir pour objet ou pour effet de supprimer des postes, s’agissant uniquement d’aménager les conditions de travail, concernant la durée et l’organisation du travail, la rémunération et la mobilité professionnelle et géographique des salariés ».

Les syndicats CFDT sont parvenus à prouver que l’objet premier et déterminant de la société était d’opérer des suppressions de poste dans le cadre de la fermeture du site alsacien, et ce, pour des motifs économiques.

Une suppression de poste dans un cadre économique ne peut avoir lieu que dans le cadre d’un licenciement pour motif économique tel que défini par l’article L.1233-3 du Code du travail.

Sur cette base, après avoir constaté que tous les postes des salariés alsaciens licenciés dans le cadre de l’APC n’avaient pas été remplacés, la Cour d’appel de NANCY a jugé qu’il « apparaît que l’employeur n’a pas procédé au remplacement de l’intégralité des salariés licenciés, ce qui entache la régularité de l’accord de performance collective. »

La Cour d’appel estime donc que l’APC contesté par les syndicats CFDT de la métallurgie était illicite, et l’annule.

A ce jour, cette décision n’est pas encore définitive, la société ayant jusqu’à mi mai pour se pourvoir en cassation.

Même si la solution retenue par les juges n’est pas idéale (la question de la négociation dérogatoire avec les élus du CSE pose une vraie question qu’une future QPC pourrait résoudre), elle marque la première annulation d’un APC conclu dans des conditions abusives. Cela reste une solution à saluer, et à parfaire !

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