La loi Climat et résilience marque un tournant à la fois pour le dialogue social mais aussi pour les représentants du personnel qui, alors focalisés sur la seule entreprise, devront aussi élargir leur champ de réflexion aux enjeux environnementaux.
S’inquiéter de l’emprunte carbone, évaluer les conséquences environnementales et donc les externalités de l’activité développée, inciter et encourager de nouvelles mobilités, prévenir et gérer les déchets, autant de nouvelles prérogatives qui ne se limitent pas à créer un « élu-citoyen » à côté d’une « société-citoyenne », mais bien à associer les élus à un enjeu sociétal et donc économique.
Les occasions sont multiples sinon récurrentes.
Mais même répétées à l’envie, cette nouvelle lecture environnementale ne deviendra une réalité qu’à la condition que les élus se forment, se sensibilisent, que les employeurs soient à l’écoute et que les conseils et professionnels soient associés pleinement à ces nouveaux enjeux.
A l’heure où le reproche du manque de sens de l’emploi est souvent relevé, la Loi Climat et Résilience donne l’occasion de renforcer dans le cadre de la GPEC, des consultations récurrentes et notamment des orientations stratégiques, le rôle d’une co-réflexion, qui, sincèrement menée, devrait naturellement amener les sociétés à y trouver un intérêt, y compris économique.
Ce renforcement des enjeux environnementaux s’était subrepticement invité dans une Loi commerciale dit « PACTE » qui opérait une modification de l’article 1833 du code civil qui au-delà du seul intérêt des associés, invitait pour la première fois à étendre l’objet social de manière à ce qu’il intègre dans sa gestion « les enjeux sociaux et environnementaux de son activité. »
Si, a priori, les statuts seraient des règles qui ne seraient opposables qu’aux seuls associés, la question d’un rappel à l’objet social par les élus est d’autant plus légitime qu’à l’instar d’une action oblique, rien n’interdirait les « créanciers-salariés » à demander au « débiteur-employeur », le respect de ses obligations environnementales et sociales.
Dès lors, l’élu dispose-t-il, à de multiples occasions, de véritables outils pour placer l’environnement au cœur de son mandat ;
1/ Négocier lors des NAO sur le volet mobilité durable sur le trajet domicile-travail :
Les NAO ( négociations annuelles obligatoires) par leur périodicité régulière ont un intérêt indéniable pour aborder les questions de mobilité qui, compte tenu des coûts du transport, sont un vrai sujet.
Ici, l’employeur est invité à aider les salariés à réduire le coût du déplacement domicile-trajet, l‘article L. 2143-3 précisant en incitant à l’usage des modes de transport vertueux ainsi que par la prise en charge des frais de transport.
2/ Négocier au niveau du plan d’épargne salariale sur les fonds labélisés ISR.
Les plans d’épargne représentent une manne financière importante. (131 milliards). A ce jour, 21,5 milliards sont placés sur des fonds solidaires. Chaque année, ils doivent être discutés, ce qui ouvre des leviers importants pour accélérer les orientations sur des lignes financières vertueuses.
3/ Envisager les conséquences environnementales d’un projet affectant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise dès le stade de son élaboration :
La Loi du 22 août 2021 « lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets » oblige l’employeur à faire cette analyse qui devra systématiquement être faite chaque fois qu’une décision importante sera prise, notamment à l’occasion de la signature d’un important contrat de fourniture de matières, de prestation de services ou de sous-traitance.
4/ Etendre la consultation annuelle sur la situation économique et financière de l’entreprise à une information sur la « politique de recherche et de développement technologique de l’entreprise et de la réduction de l’empreinte environnementale ».
Il s’agit ici de dépasser le simple périmètre de l’activité économique de la société mais bien d’envisager ses externalités et les conséquences environnementales.
En visant expressément la réduction de l’empreinte environnementale, la Loi oblige l’agent économique à s’inscrire dans une politique de diminution de son impact sans que pour autant, à ce stade, il ne s’agisse d’une obligation de résultat.
5/ Etendre également le champ des 3 consultations récurrentes (orientations stratégiques, situation économique et financière de l’entreprise et politique sociale de l’entreprise), sur le prisme des conséquences environnementales.
6/ Se former aux enjeux environnementaux et notamment à l’ensemble de ces dispositifs afin de les utiliser à bon escient. Raison pour laquelle la formation des élus peut désormais « porter sur les conséquences environnementales de l’activité des entreprises » congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale.
7/ Construire une BDES permettant de suivre les mesures, leur évolution, l’ensemble des indices liés à la politique environnementale qui doivent désormais être intégrés à la BDES qui devient la BDESE (base de données économiques, sociales et environnementales)
Sur les sociétés de plus de 300 salariés, les données doivent porter sur des indices pertinents tels que :
• Politique générale en matière environnementale (actions de formation…)
• Pollution
• Prévention et gestion des déchets (recyclage…)
• Utilisation durable des ressources
• Changement climatique (émission de gaz à effets de serre….)
Les leviers sont donc nombreux, à condition d’être connus, reconnus et utilisés.
8/ Construire et élaborer un avis sur les indicateurs de progression du rapport extra-financier et du bilan carbone lors des consultations annuelles sur les orientations stratégiques de l’entreprise :
Dans les sociétés d’une certaine envergure, ( 20 millions d’euros de CA sur les société de 500 salariés sur les SA cotées, ou 100 millions d’euros sur les SA non cotées), les informations qui figurent dans les déclarations extra-financières, documents importants pour les décideurs, les investisseurs mais aussi pour la communauté des salariés.
Les items sont plus précis et plus nombreux : le changement climatique de l’activité de la société, l’usage des biens et services qu’elle produit, ses engagements sociétaux en faveur du développement durable, de l’économie circulaire, de la lutte contre le gaspillage alimentaire, de la lutte contre la précarité alimentaire, du respect du bien-être animal et d’une alimentation responsable, équitable et durable, aux accords collectifs conclus dans l’entreprise et à leurs impacts sur la performance économique de l’entreprise ainsi que sur les conditions de travail des salariés, aux actions visant à lutter contre les discriminations et promouvoir les diversités et aux mesures prises en faveur des personnes handicapées.
Le champ est donc immense.
Ainsi, l’environnement devient au fil du temps, pour les dirigeants mais également les représentants du personnel, non plus une simple préoccupation, mais une donnée, une variable, un champ de prospection qui, de manière transversale, doit amener les partenaires sociaux à étendre leur champ de compétence, de réflexion, d’analyse, d’études et de propositions.
Ce terrain des enjeux environnementaux est donc à investir également pour les professionnels du droit qui, à leur tour, pourront au-delà de leur cœur de métier, devenir des conseils-citoyens.